the denim inside
Mots et réalisation. Sophie Demarcq
Photos. Jérôme Lobato
Oh! My jeans, my sexy jeans… Que tu sois baggy, carrot ou slim, tu es une seconde peau, pour nous qui nous lovons en toi. Tu deviens un uniforme qui re?ète une humeur. Tu peux être rock’n’roll ou bien hippie, c’est un fait, avec toi Oh! my lovely denim… On mixe les genres et les époques. Le port du jeans dévoile en un clin d’œil notre personnalité, il est à lui seul un code vestimentaire. C’est le fétiche d’une tribu à laquelle nous appartenons malgré nous.
À l’origine était une toile… C’est au xvième siècle à Gênes, en Italie, que voit le jour une matière très solide, tissée en laine et lin, destinée à la fabrication de voiles pour les navires de la belliqueuse République indépendante et de pantalons pour ses marins. Exportée au Nouveau Monde la toile « de Gênes » se transforme en « jeans ».
En 1853, en pleine ruée vers l’or, un jeune homme nommé Lévi Strauss arrive en Californie avec des toiles de tentes et des bâches de chariots issues de ce textile. On a besoin de pantalons solides et les travailleurs américains de la ?n du xixème siècle les adoptent. Lévi Strauss décide alors de remplacer ce lourd tissu dif?cile à coudre, par une toile de coton à armure de serge, le denim, évolution du sergé de Nîmes, étoffe produite dans la ville française depuis le xviième siècle. Cette toile, qui à l’origine était écrue ou blanche, est teinte en bleu : le jeans est né, le premier modèle est une salopette.
C’est à partir de 1873 que les modèles de Levi Strauss sont af?nés avec l’apparition sur les poches arrières de surpiqûres de ?l orange dessinant un arc en référence aux aigles des montagnes rocheuses. En 1890 le célèbre et légendaire 501 fait son apparition. Puis c’est en 1926 que l’on voit naître la fermeture éclair chez LEE. En 1935 le jeans devient le « produit mode » d’une génération d’étudiants en art et en 1948 le premier jeans spécialement taillé pour la femme voit le jour : la fermeture éclair se situe sur le coté et les jambes sont fuselées.
Des icônes tels Marlon Brando ou James Dean emblématisent ce pantalon mythique et intemporel : ils le portent avec un revers dans le bas, laissant apparaître la couture rivet… Dans les années 50, il devient le symbole de la révolte de la jeune génération, celle des blousons noirs.
Il n’y a pas de grosse évolution dans la forme du jeans avant 1969 et le célèbre festival de la love génération : Woodstock. En 1970, c’est l’emblême hippie : le jeans est pattes d’éph, on le customise, on le brode, on le peint… On se l’approprie pour en faire « sa » pièce unique.
Une certaine lassitude se fait ressentir entre 1984 et 1985, puis le denim revient sur le devant de la scène, sous les feux des projecteurs, avec la new wave qui contamine la mode depuis 1986. La toile est surteinte, on l’habille de noir, le lycra fait son apparition, les jambes des ?lles sont moulées et talonnées. Et, pour la plus grande et provocante élégance, Monsieur Gainsbourg nous donne la réplique en Levi’s, chemise blanche, veste de smoking et Repetto nu-pieds ! La grande classe au masculin / féminin.
En 1997 c’est le retour du jeans brut. On le retrouve sur les podiums des créateurs tels que Jean Paul Gaultier, Azzedine Alaïa… et bien d’autres. Parmi nos favoris, ceux dont les toiles brutes à la base sont cartonnées voire ultra-rigides. Ce textile que nous allons devoir travailler nous même – le porter, le façonner… – nous le moulerons sur nos vies. Toutes nos habitudes y seront écrites, notre re?et dans de la toile denim comme dans une boule de cristal. Pour un délavage personnalisé, Jean Touitou, fondateur de la marque APC, sera notre meilleur guide avec son petit livre tout en couleur.
Aujourd’hui, le jeans s’est répandu sur tous les continents et dans toutes les catégories sociales. Loin du vêtement utilitaire de la première heure, il exprime une appartenance à une tribu, à une communauté.
Il est partie indissociable de notre identité aussi bien par sa forme (slim, boot cut, regular, baggy… ) que par sa marque (Levis, Wrangler, Diesel, Acné ou le regretté jeans tacheté de Helmut Lang), c’est un passeport qui af?rme une singularité et un ralliement à un stéréotype social et culturel. Unique et incontournable jeans denim !
PETIT LEXIQUE
— Boot cut : jeans droit, taille basse et légèrement évasé dans le bas.
— Slim : jeans très moulant, taille basse.
— Regular : jeans droit, taille basse.
— Carrot : jeans taille haute, serré à la taille, dont la coupe s’élargit aux hanches et aux cuisses pour se resserrer dans le bas.
— Baggy : jeans taille basse, coupe droite, porté 2 ou 3 tailles au-dessus.
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